Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/90

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ne vivra pas quinze jours. D’autre part, si on l’opère, elle peut mourir aussi mais en courant le risque d’être sauvée. Mathématiquement, vous devez opter pour l’opération. Qu’avez-vous à objecter ?

— Et si on la fait souffrir inutilement ?

— Elle ne souffrira pas plus qu’actuellement : le chloroforme remplacera l’opium. C’est vous qui souffrirez : une épreuve de plus à endurer. Et, en cas de guérison radicale…

Jack Warton ajouta d’un air rêveur :

— Car, enfin, il s’agit de savoir si elle est atteinte d’une tumeur cancéreuse…

Laurence leva la tête et le considéra avec stupéfaction. Il répliqua, à son interrogation muette :

— Tout semble l’indiquer ; rien ne le prouve absolument… D’autres affections que le cancer offrent ces symptômes de faiblesse progressive, cette coloration jaune paille cette altération de l’organisme, lente, sournoise, silencieuse, ce dérangement des fonctions… Bien audacieux serait le médecin qui oserait se montrer affirmatif dans le cas qui nous occupe. Moi aussi, j’ai examiné votre malade : et je ne suis pas fixé. L’exploration ne révèle rien de décisif ; la tumeur est logée trop profondément… Je me hasarderai même à espérer : car votre mère ne donne aucun signe de cette vésanie caractéristique… Alors, nous pouvons envisager l’hypothèse d’une affection non cancéreuse. Et si je l’opérais…

À ces mots, Laurence lui coupa la parole dans une explosion irrésistible :

— Ah ! c’est vrai : vous êtes chirurgien !… C’est vous qui l’opéreriez… Vous… Oh ! du moment que c’est vous, j’ai confiance… Oui, docteur, je serai brave, essayons tout… Risquons l’opération…