Page:Marais - La Virginite de Mademoiselle Thulette.djvu/181

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râtre s’échappait par delà la rive, d’une cheminée invisible. La servante, trop grasse, apporta le menu. Ce fut un déjeuner confortable. Il ne manquait ni le rosbif aux pruneaux, ni la choucroute, ni la saucisse, ni la bière. Fraenzle faisait preuve d’un appétit vigoureux. Sa mère ne discourait point, toute occupée à la consommation de tant d’aliments révérés. Mais Thulette conversait pour deux, même pour trois, et il y avait un peu d’enrouement, avec de l’espoir et de la tendresse dans ses bavardages.

— Je ne crois pas, disait-il à Fraenzle, tandis qu’elle découpait un gros cervelas en rondelles minces, je ne crois certainement pas que mon cœur ait jamais battu aussi fort que le premier jour où je vous vis. Enfant de la nature, élevée en un site enchanteur, vous manifestez dans vos moindres mouvements cette grâce rustique dont les habitants des villes n’ont même pas le pressentiment. Voyez comme tout ici semble naturel. Votre mère n’ignore pas que je vous aime ; elle ne s’en formalise point. Une heureuse expérience, une longue et douce pratique des droits et devoirs conjugaux, lui ont appris que l’amour