Page:Marais - La Virginite de Mademoiselle Thulette.djvu/45

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peut-être. Et, fréquemment, ses yeux s’arrêtaient sur sa fille avec une expression étrange où l’amour maternel semblait s’aciduler de quelque dépit.

Comment Thérèse, annihilée par une éducation parfaite, eût-elle pu relever la fadeur de cette soirée insipide ? Silencieuse et réservée, comme il sied à une jeune fille qui s’ennuie entre deux personnes âgées, elle mangeait à peine, du bout des dents, l’air toujours « embarrassé de soi » et souriait avec gaucherie dès qu’on la regardait.

Bergeron, intrigué, considérait tour à tour la mère et la fille, l’appétit coupé par ses efforts de divination infructueux. Qu’importe le plus délicat brochet à qui cherche anguille sous roche ? Le plus succulent pot-au-feu à qui veut découvrir le pot-aux-roses ?

Songeant à la lettre de la baronne, il pensait : « Louise veut me parler de Thérèse ; qu’a-t-elle bien pu commettre, ma pauvre petite filleule ? » Et il contemplait avec perplexité l’insignifiance de ce doux visage d’ingénue, pur, lisse, uni, sur lequel toutes les impressions glissaient sans laisser plus de trace que des gouttes d’eau sur les ailes d’un cygne.