Page:Marais - La Virginite de Mademoiselle Thulette.djvu/65

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appréhensions déprimantes des Pygmalions se demandant s’ils réussiront à vivifier leurs statues, il douta de lui-même. Et l’hésitation chassa le désir.

Un après-midi lourd de désœuvrement, Edvard Kolding entra dans un skating du quartier de l’Étoile, luxueux établissement où s’exhibent quotidiennement des troupeaux de filles à la mode. Ce jour-là, le cheptel était considérable.

Le jeune homme se plaisait dans cette atmosphère chargée de parfums entêtants qui luttaient avec l’âcre senteur des cigarettes. À travers la vapeur nicotinisée qui voilait la salle d’une brume opaline, on apercevait la piste où les patineurs se démenaient sans relâche. Edvard regardait surtout les femmes qui, les cheveux emprisonnés sous leur toque, le cou enserré de fourrures, le nez enfoui frileusement dans leur manchon, dérobaient leurs agréments supérieurs pour concentrer l’attention des spécialistes sur les pieds cambrés et les mollets nerveux dépassant la jupe courte.

Un peu étourdi par l’âpre bruit de trottoir roulant qui régnait en ce lieu de délices, Edvard ne se lassait point de contempler ces