Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/124

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taisent à l’unisson. Sylvie a un pauvre visage chiffonné. À quoi — à qui — pense-t-elle ?

Soudain, elle se penche, m’aperçoit. Un sourire vite réprimé égaye sa figure, et, s’enhardissant, elle m’adresse un clignement de paupières, un signe imperceptible… en cachette du père inattentif, de Fraülein rêveuse. Ma vue semble réconforter sa tristesse. Je sens mes yeux devenir tendres, en la considérant… Je sursaute : la voix de Paul questionne :

— Tu as reconnu quelqu’un ?

— Moi ?… Non. Pourquoi ?

— Je croyais que tu avais salué… ou souri.

Intrigué, malgré ma réponse, Paul se retourne, examine nos voisins ; mais, naturellement, c’est l’homme qui attire son attention ; or, ce monsieur âgé et sévère ne lui inspire aucune défiance. Paul suppose qu’en effet, je souriais aux anges… Après avoir glissé sur Fraülein, ses yeux contemplent un moment la jolie figure de Sylvie. Il remarque à voix basse :

— Pas mal, cette petite.

Je te crois ! Sylvie goûte sa glace d’une cuiller délicate avec des manières soigneuses et précieuses de jeune chatte : elle est à croquer. Un rayon de soleil, filtrant à travers le feuil-