Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/199

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frondaisons. Ces pousses toutes fraîches ont sans doute une saveur piquante : j’ai envie de goûter le bout des feuilles, de mordre ces branches minces qui doivent sentir la réglisse.

Soudain, mon cœur bat : à quelques pas, une jupe beige s’étale sur l’angle d’un banc ; deux petites mains pâles dansent au-dessus d’un ouvrage d’aiguille, et il me semble reconnaître le grand chapeau de paille foncée qui cache toute la figure… Je m’approche sournoisement… Je m’arrête en face d’elle, souriant déjà ; ma robe frôle la sienne et mon ombre obscurcit son travail. Elle s’interrompt, lève la tête…

Stupide, je vois une jeune fille blonde aux yeux marrons, qui a l’air très étonnée et se demande quelle est cette inconnue qui vient se placer devant son soleil.

Je poursuis mon chemin, confuse de l’erreur : cette jeune femme m’a dévisagée avec tant de surprise ! J’ai balbutié une excuse vague, comme les myopes qui saluent un bec de gaz après avoir bousculé une vieille dame…

Mes yeux boudeurs regardent distraitement les cavaliers, dont le galop retentit dans le sentier voisin ; et les jambes nerveuses des belles bêtes, enlevant des mottes de terre molle au