Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/362

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Paul m’a dit cela brusquement — exprès. On se trompe en croyant qu’un événement funeste nous atteint d’autant plus vivement qu’il est annoncé à l’improviste. Le choc même de l’inattendu nous frappe d’une sorte de stupeur, d’insensibilité momentanée. Au contraire, les ménagements, les précautions — laissant prévoir la nouvelle avant qu’elle soit exprimée — nous préparent à l’accueillir avec tout le sang-froid qui nous est nécessaire pour souffrir sciemment (s’il s’agit d’un malheur qui nous touche), sans que la brutalité du coup soudain fasse sombrer notre douleur dans l’anesthésie de l’hébétude.

Et, bien qu’en apprenant la mort de Julien, je ne ressente pas des émotions aussi violentes, j’ai néanmoins cette impression d’incrédulité devant une catastrophe, qui nous porte tout d’abord à alléguer l’impossible en face de l’irrémédiable. Il me semble que « ça n’a pas pu arriver ».

La blonde fanée — qui est probablement la tenancière de l’hôtel — nous donne des détails à voix basse :

— Si je m’étais doutée d’une histoire pareille !… Un jeune homme qui avait l’air si