Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/368

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jette un coup de pied au barbet crotté… Les foules sont impitoyables pour les chiens et les cœurs perdus. Ça gêne la circulation… Je suis passé devant une horloge à un moment : elle marquait onze heures du soir ; j’ai constaté avec stupeur qu’il y avait près de cinq heures que je marchais ainsi, ressassant ma douleur et mon amour… J’étais sorti de votre hôtel par les Champs-Élysées, et, à présent, sans savoir comment, je me trouvais dans un quartier tout à fait ignoré de moi : rue de Dunkerque… Après, je me suis orienté en parvenant à la gare du Nord. Là, j’ai avisé une colonne des théâtres, et c’est à cet instant seulement, que je me suis rappelé que l’on représentait ce soir la générale de ma pièce, que je n’y avais point songé encore, et que ça m’était égal de ne pas y assister… Alors, j’ai compris quelle place vous teniez dans ma vie, Nicole… Puisque tout m’était devenu indifférent, hors vous. Mes projets, mes espérances ! J’ai éprouvé un effroi indicible : il m’a semblé que ce petit fait biffait mon existence d’un Vixit implacable. Pourquoi faut-il, dites, Nicole — vous dont la seule caresse que je connus fut un baiser volé sur votre nuque, en contrebande — que vous me