Page:Marais - Pour la bagatelle.djvu/172

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faible mais inquiétant, à la façon de ces douleurs sourdes, intermittentes, qui deviennent soudain une névralgie aiguë.

Mécontente, apeurée, impuissante, Camille souffrait d’être entraînée peu à peu vers le danger redouté. Le beau résultat d’une éducation indépendante : son instinct, malgré tout, la poussait à l’amour comme une enfant novice ; mais au lieu d’être grisée par les rêves de l’inexpérience, sa joie était gâtée par les hésitations, les craintes, les prévisions qui assaillent une fille experte.

Profitant de la liberté que lui assurait la morale maternelle, Camille allait cet après-midi à son premier rendez-vous chez Romain — comme jadis Simone avait suivi Lestrange.

La jeune fille se comparait ironiquement à sa sœur : élevées séparément au nom de principes contraires pour aboutir au même sort… Elle s’écriait, avec une emphase drôlatique : « Ô ! Fénelon… Ô ! Maintenon, Genlis, Diderot… Sinistres pions ou rêveurs uto-