Page:Marais - Pour la bagatelle.djvu/209

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le déjeuner. Le romancier lui donnait campos jusqu’au lendemain ; et sa femme, impatiente d’être seule, renvoyait tacitement l’intrus par cette muette comédie de gestes las, de silences pesants, de sourires froids qui signifient poliment à l’invité : « Mais allez-vous en ; vous voyez bien que vous me gênez ! »

Le jeune secrétaire avait trop d’usage mondain pour y résister. Il s’en allait. Dans l’escalier, il dut s’arrêter de descendre tant il était oppressé. Il souffrait de cette vive sensibilité qui est l’apanage de la jeunesse. Des images affluaient à son esprit, lui montraient Simone suivie par son mari, Lestrange entrant derrière elle chez l’amant ; et l’attentat simulé qui deviendrait peut-être un assassinat réel…

Combien de temps resta-t-il là, rêvant sur ce palier ? Le bruit d’une porte qui s’ouvrait à l’étage au-dessus — l’étage des Lestrange — le réveilla soudain : un frôlement de jupes contre les marches, les claquements saccadés