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Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/119

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Abel finit par implorer avec une impatience nuancée d’enjouement :

— Mon cher, il faut que vous me rendiez un service… Présentez-moi à votre secrétaire sous le nom d’Abel Henry, homme de lettres ; laissez-moi passer à ses yeux pour un poète ignoré dont vous encouragez le talent méconnu… Que vos domestiques, stylés, soient de complicité pour ne pas trahir mon incognito.

— Vous êtes fou… Ah ! votre goût du romanesque vous jouera un vilain tour… Et puis, abuser cette pauvre enfant… Vous voulez me faire faire un joli métier.

— Pas du tout ! protesta Abel. Puisque vous certifiez la vertu de cette jeune fille, où est le mal ? Dans les deux cas, je ne lui cause aucun tort : si je lui déplais, elle m’envoie promener. Si, par hasard, je lui plaisais… Mais, mon ami, vous ne savez pas ce que j’éprouverais à me sentir préféré, choisi, aimé réellement, — sans mélange, sans intérêt vénal !… Je me soucie fort peu de sa situation et du monde, pourvu qu’elle soit honnête : mon cher, je serai homme à l’épouser. Et cette jolie surprise, quand elle apprendrait qui je suis…