Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/147

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pour t’exposer la « manière », en ce qui concerne Salmon… Hier, Henry se présente chez Gilberte (désormais, il n’y rencontre plus le papa ; seule, la petite Suzanne accompagne sa sœur). Encouragé par l’accueil de plus en plus aimable qu’il y reçoit, il se croit autorisé à risquer le cadeau — le cadeau princier destiné à éblouir cette enfant qui porte encore le signe de l’honnêteté à la pointe de ses chaussures ressemelées et le parfum de la vertu dans l’odeur de benzine qu’exhalent ses gants nettoyés. La gerbe de fleurs qu’apporte Salmon recèle un écrin et l’écrin une admirable perle rose montée sur un fil d’or. Gilberte ouvre l’écrin, s’extasie devant la bague, la passe à l’annulaire… Salmon se rassure : l’offrande est agréée. Quand, soudain, Gilberte, tournant le chaton en dedans, tend vers le banquier sa blanche main où ne se voit plus qu’un anneau d’or ; et déclare, avec une mine de grande coquette : « Elle me va mieux, ainsi… On dirait presque une alliance. » Puis, retirant la bague de son doigt et la rendant au banquier, elle murmure finement : « Je ne puis l’accepter que si vous l’offrez sans la perle. » Voilà le ton qu’elle prend avec Henry.