Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/156

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banquier, pensif, méditait la résolution qu’il avait prise. Non qu’il revînt sur un parti irrévocable : le spectacle imaginaire de cette belle fille pâmée de plaisir entre les bras d’un jeune époux irritait si violemment ses sens qu’il était prêt à toutes les capitulations pour revendiquer la possession de Gilberte. Mais il cherchait un biais qui conciliât, aux yeux de son frère, la sottise d’un tel mariage avec son prestige d’aîné. L’ironie d’Abel l’agaçait. Il pensa qu’une tolérance mutuelle pour nos faiblesses réciproques renferme la sagesse suprême de notre philosophie familiale. Absoudre son cadet était le meilleur moyen de le gagner à sa cause : Denise serait la rançon de Gilberte.

Au dessert, Henry mit la conversation sur le chapitre de l’amour. Il hasarda cette opinion que le perfectionnement graduel des unions légitimes ne pouvait être dû qu’à l’inclination des conjoints. Le bonheur consistait dans les sentiments ; il serait absurde de le chercher ailleurs. Le banquier finit par s’embrouiller dans un discours qui n’avait rien de financier. Et il sauta vivement à la péroraison en conseillant à Abel :