Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/86

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l’obsède, son esprit l’inquiète : il se défie avec angoisse de toutes les affections qui s’adressent à lui. Le doute est la maladie des millionnaires intelligents. La première épreuve que j’ai tentée flatte mon orgueil : je me suis révélé aussi persuasif dans la vie réelle qu’aux feux de la rampe : et, grâce à mon conte, Abel est déjà un peu épris de ma secrétaire imaginaire. Il s’agit maintenant d’en remplir le moule : je vous prends comme dactylo, Mlle Denise ; vous viendrez chez moi tous les jours, de deux à six. Je vous confierai mes papiers, mon courrier ; — oh ! mais, je vous ferai travailler pour de bon ; vous allez abandonner vos autres occupations ; je vous donne deux cents francs d’appointements. Une fois chez moi, il vous suffira de rester presque naturelle pour bien jouer votre rôle. Par exemple, surveillez les visiteurs qui se présenteront sous un prétexte, en mon absence, et s’efforceront de vous parler : ce cher Abel est de complexion romanesque. Je lui ai paru peu enclin à favoriser son désir de vous connaître. Ce désir contrarié va devenir un caprice obstiné. Abel cherchera à le satisfaire malgré moi. Il