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Page:Marat - Éloge de Montesquieu, éd. Brézetz, 1883.djvu/46

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J.-P. MARAT

distinctions qui flattent la vanité, et dont le gouvernement a trouvé le secret de se faire une ressource ; notre servile imitation des grands ; la subtilité de nos chevaliers d’industrie ; l’orgueilleuse bassesse de nos courtisans, et la vie trop peu édifiante de la plupart de nos prélats.

La scène change en un instant, sans que nos voyageurs aient eux-mêmes changé de lieu ; et au moyen d’une simple relation que l’auteur fait adroitement tomber dans leurs mains, elle est transportée en Espagne et en Portugal. Après s’être égayé sur le flegme aflecté et la morgue ridicule des habitans de ces belles contrées ; il s’égaye sur leur ignorance crasse, et leur prétention à passer pour savans, sur leur mépris pour le travail, leur orgueilleuse fainéantise, et leurs pitoyables passetems ; puis il peint leur misère au sein même des richesses, et leur nullité en dépit des brillantes dispositions d’un heureux naturel.

Dans ces lettres où nos Persans suspendent les traits de leur critique, on retrouve encore l’empreinte de leurs caractères.

Quel enjouement dans celles où Rica parcourant une de nos bibliothèques publiques, peint, avec tant de justesse, chaque genre de sciences, chaque genre de littérature ! Quelle gaieté dans ce conte oriental, sur les plaisirs de l’autre vie, où il venge le sexe des prétentions injurieuses des hommes, et des soins qu’ils ont pris pour le dégrader !

Mais quel chef-d’œuvre de raison dans celle où Usbec ramène les principes du droit public aux principes du droit naturel ! Quelle douce éloquence dans celle où il peint la dépravation des mœurs et la dégradation des âmes, qu’amène l’exemple d’un ministre sans probité, violant la foi publique ! Quelles vues profondes dans celle où il déduit les causes du dépeuplement actuel de la terre !

Enfin quel fond de philosophie, dans celles où, sous