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J.-P. MARAT

Sénat d’avoit l’œil sur la conduite des généraux, et qui, forçant les légions à une longue absence, leur fit insensiblement perdre la patrie de vue, pour ne reconnoître que leurs chefs et placer en eux toutes leurs espérances.

Une trop grande autorité confiée aux gouverneurs des provinces, qui, maîtres de disposer des armées et des royaumes, sentirent leurs forces et ne purent obéir.

Le droit de citoyen indistinctement accordé aux vaincus, qui fit une seule nation de tant de nations différentes, dont les intérêts étoient si souvent opposés. La grandeur immense de la ville, où tant de peuples s’assembloient pour voter, et où quelques ambitieux appellèrent des nations entières pour troubler les suffrages, et se les faire donner : ce qui changea les assemblées nationales en conjuration, et les dissentions populaires en guerres civiles.

Les commissions extraordinaires, que les citoyens les plus considérables par leur fortune et leurs talens se firent accorder : ce qui anéantit l’autorité des peuples et des magistrats, pour mettre la souveraine puissance dans les mains de quelques particuliers.

Les funestes exemples donnés par Scylla, après qu’il se fut fait élever à la dictature. Dans son expédition d’Asie, il ruina la discipline militaire, en habituant son armée aux rapines, et en lui donnant des besoins qu’elle n’avoit jamais eus. Entrant à Rome à main armée, il enseigna aux généraux à violer l’azile de la liberté. Donnant aux soldats les terres du citoyen, il excita leur avidité, et les rendit insatiables. Inventant les proscriptions, il indiqua le moyen de forcer les Romains à s’attacher au parti de quelqu’un des ambitieux qui se disputoient l’empire, et à se déclarer pour un maître.

Pompée, voulant se rendre maître des élections, corrompit le peuple à prix d’argent.

Mais la République destinée à périr fut entraînée au