Page:Marat - Éloge de Montesquieu, éd. Brézetz, 1883.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
ÉLOGE DE MONTESQUIEU

Telles furent les principales causes de la grandeur et de la décadence des Romains. Mais c’est dans l’ouvrage même qu’il faut voir le développement lumineux de toutes celles qui concoururent à ces deux grandes Révolutions, et les scènes variées qu’elles produisirent. Là tous les grands traits répandus dans l’histoire viennent se réunir, comme les rayons au foyer d’un miroir, et leur lumière en est plus vive.

Croira-t-on qu’un assez petit volume ait suffi à l’auteur pour épuiser un sujet aussi vaste ? Politique profond, il développe avec une sagacité merveilleuse le jeu compliqué d’une multitude de ressorts, et détermine l’influence particulière de chacun ; mais s’il fait beaucoup voir, il laisse encore plus à penser. Peintre inimitable, il dessine avec une vérité frappante une multitude d’objets intéressans ; il les place chacun dans leur vrai point de vue, il les fait ressortir au moyen d’un brillant coloris, et il offre à l’admiration des sages le plus sublime tableau que l’esprit humain puisse contempler.

Comparez à cet ouvrage unique les écrits de même genre qui l’ont suivi ; qu’ils sont petits auprès de celui-là !

Oui, Messieurs, ils auront beau se multiplier, dans tous les siècles le livre des Considérations sur la grandeur des Romains fera les délices des lecteurs qui pensent, et le désespoir des auteurs qui oseront courir la même carrière.

Les brillans succès de Montesquieu sembloient lui servir d’aiguillon à un plus grand ouvrage, mais il en avoit formé le plan dès sa jeunesse. En examinant les différentes institutions reçues parmi les hommes, il sentit que presque tous les législateurs avoient méconnu la dignité de leur entreprise ; hommes bornés que le hazard avoit mis à la tête des autres, ils ne voyoient les choses que par parties, n’embrassoient rien d’une vue générale, donnoient dans les cas particuliers et perdoient le temps à des règlemens