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entier, de mettre en péril toutes les fortunes, et de ruiner enfin le crédit national par la crainte d’une banqueroute inévitable.

Voilà les fruits amers de cette fureur de l’agiotage, que le président honoraire du district des Filles-Saint-Thomas a inoculée aux Français : voilà les suites funestes de ces emprunts attrayants qu’il a mis à la mode, et auxquels il, n’aurait jamais renoncé, s’il avait toujours trouvé des dupes.

Mais comme toutes les ressources s’épuisent à la fin, celle-ci lui a manqué ; et après l’avoir tentée vainement deux fois[1] consécutives, il l’a remplacée par un impôt en aggravant même les anciennes charges[2]. Ainsi revenu humblement à l’ancien régime de ses prédécesseurs, il a proposé une contribution du quart des revenus, mais sans se traîner sur leurs traces ; car il faut toujours qu’il donne un plat de son métier.

Ce nouvel impôt, si onéreux, si injuste, si vexatoire, et le plus lourd que jamais faiseur de projets ait osé concevoir, mérite bien quelques observations. D’abord il n’a aucune proportion avec les besoins supposés de l’État ; car il n’est destiné qu’à faire face à 160 millions de dépenses extraordinaires pour le service de la fin de 1789, et le courant de 1790 : or, il est évalué, au plus bas, à sept ou huit cents millions. Ensuite il porte atteinte à la fortune des négociants, et il arrache aux citoyens gênés une contribution au-dessus de leurs moyens, en piquant leur amour-propre. Puis il n’est effectif qu’à l’égard des propriétaires fonciers et des rentiers, dont la fortune est apparente ; tandis qu’illusoire à l’égard des capitalistes, dont la fortune est

  1. Ses derniers emprunts de 30 et 80 millions, dont l’un a été décrété partiellement, et dont l’autre a été voté par acclamations. (Note de Marat)
  2. Ayant réuni, sous le nom d’impôt territorial, la taille et les vingtièmes, il cherche à en augmenter de 15 millions la somme. Voyez son Discours à l’Assemblée nationale, lu le 24 septembre. (Note de Marat)