Aller au contenu

Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tirer encore à tout prix, et que le Roi ne cessait de faire les plus grands sacrifices, afin de pourvoir aux besoins de ses sujets.

On voit pourquoi les provinces étaient inondées de ses agents qui couraient les fermes, mettaient partout l’enchère, et enlevaient tous les grains, sous prétexte d’approvisionner Paris ; pourquoi voulant ménager à ses agents les facilités de tout accaparer, il invitait les boulangers et les marchands à s’approvisionner eux-mêmes dans le temps qu’il leur en ôtait les moyens, dans le temps qu’il se jouait d’eux, et qu’il les forçait de revenir des marchés les mains vides.

On voit pourquoi, ayant besoin d’entrepreneurs stylés pour effectuer un accaparement général, il prenait un si tendre intérêt aux sieurs Leleu ; pourquoi il forgea un arrêt du conseil pour déclarer calomnieux les mémoires du chevalier Rutledge, qui avait dévoilé leur turpitude ; et pourquoi, présumant trop de la crédulité publique, il se flatte de les réhabiliter en les couvrant de son estime.

On voit pourquoi, ayant besoin d’une exportation réelle, pour effectuer une importation simulée, et ne pouvant se passer d’entremetteurs qui eussent des correspondants, et dans les provinces et dans les ports de mer, il attachait tant d’importance aux services des sieurs Leleu ; pourquoi, lorsqu’ils furent balayés avec l’ancien comité des subsistances, il essaya d’effacer cette avanie, en donnant le change au public ; pourquoi, lorsqu’on les poursuivait pour les amener en compte, il les consola si affectueusement de cette humiliation.

On voit pourquoi n’étant pas sûr des municipalités des provinces, où quelques-uns de ses agents avaient failli d’être accrochés, il refusait de faire exécuter rigoureusement les décrets sur la libre circulation des grains, et pourquoi il en arrêta l’envoi si longtemps.

On voit pourquoi, ayant fait une seconde spéculation de la vente du pain d’orge et de seigle pour pain de froment, et même d’en altérer la qualité avec des farines de féve-