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quelque brillante invention, ce qui n’est pas rare ? elle enchaîne et Censeurs et Journalistes[1] ; et l’inventeur infortuné qui a sacrifié ses veilles, sa santé, sa fortune à avancer le progrès des connaissances, s’épuise ensuite sans succès, pour tâcher de faire connaître son travail au public. Chose inconcevable en Angleterre, où chacun peut librement faire valoir ses droits, et démasquer les charlatans lettrés.

Le dirai-je ? Telle est en France la prostitution de la Presse, qu’il n’y a pas jusqu’aux Censeurs eux-mêmes qui ne s’en fassent une arme pour vexer leurs ennemis, ou favoriser leurs amis.

En faut-il davantage pour confondre les clameurs de ceux qui s’efforcent d’éterniser ces horreurs ?

Rendue libre, point d’abus à redouter : pour prévenir la licence, il suffira d’obliger tout auteur de signer ce qu’il publie, et de le rendre responsable des faits faux ou hasardés ; d’obliger tout imprimeur de ne rien mettre au jour d’anonyme, sous peine de perdre son état ; enfin, de punir rigoureusement tout libraire et colporteur qui viendraient à débiter des ouvrages clandestins.

S’il n’y a point d’abus à redouter de la liberté de la Presse, que d’avantages n’a-t-on pas à en attendre ? Une fois établie, tout bon citoyen veillera à l’observation des lois, et contiendra dans le devoir les hommes chargés de leur exécution. Sont-elles violées ? tout homme courageux sonnera l’alarme, et sollicitera la vindicte publique.

  1. Il arrive bien quelquefois en Angleterre que les Ministres, voulant empêcher la sensation que doit faire un ouvrage saillant, publié contre leurs projets, corrompent les journalistes ; mais leur influence n’a lieu que dans quelques circonstances extraordinaires, et ne dure qu’un moment. Il est d’ailleurs très rare qu’ils parviennent à s’emparer de tous les papiers publics, surtout si l’auteur connaît le terrain, et s’il peut primer l’enchère. Ajoutez que l’auteur a toujours la voie de faire débiter son ouvrage par les libraires et colporteurs, de faire courir des annonces dans tous les endroits publics. (Note de Marat)