Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/67

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vers le relâchement, qui oblige de tendre ainsi tous les ressorts de l’autorité ; et comme on n’arrive au despotisme qu’après que tous les autres ressorts sont usés, le moyen de prétendre abandonner cette forme pour une autre, lorsque aucune autre ne suffit plus à une Nation qui a pu supporter celle-là ? Ainsi, toujours en butte à lui-même, le Gouvernement engendre continuellement les vices qui le dépravent, et consumant l’État pour se renforcer, il le renverse enfin comme un édifice qu’on voudrait relever avec des matériaux tirés de ses propres fondements.

Mais quand l’administration par Conseils serait du choix du Monarque, et qu’il lui confierait réellement son autorité ; sous un Roi puissant, ses Membres seront-ils moins susceptibles de corruption, seront-ils moins de concert entre eux contre le bien public ? D’ailleurs, uniquement propre aux Rois laborieux, ne serait-elle pas plus souvent nuisible que favorable à l’expédition des affaires ? Et quelle sûreté de sa durée pourrions-nous avoir, que la volonté du Monarque régnant ?

Si, par quelque miracle de la Providence, un grand homme se trouvait appelé au trône, et qu’il tint les rênes de l’État, n’y aurait-il pas aussi des temps de lassitude, d’épuisement, d’indisposition, de maladie, d’infirmité, de vieillesse, de décrépitude, qui ne laisseraient souvent à la tête de l’Empire qu’un simulacre de Roi ? Enfin l’ordre établi pour la succession et la mauvaise éducation des héritiers de la Couronne, donnant toujours dix imbéciles pour un vrai Monarque, l’État serait bientôt replongé dans le désordre, et les peuples dans la servitude et la misère.

Laissons là les vains rêves ; à part quelques moments de crise, toujours le choix des Ministres dépendra des intrigues de la Cour ; et leur marche, changeant sans cesse avec