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le charme de l’histoire

principauté que, tout-à-coup, à 70 ans, las du repos, il vendit au duc de Rohan, pour aller à Genève se remarier. Richelieu, pendant son séjour à Luçon, avait pu voir le danger de cette abbaye forteresse ; il en fit raser les retranchements, n’épargnant que des arceaux et des cloîtres désormais déserts. Après de longues années de silence, le tableau change encore. La Révolution gronde, les Vendéens se soulèvent pour défendre leur roi et leur foi, et de nouveau ces contrées ne présentent plus, pendant quelques années, que des scènes de guerre civile, que la lutte à mort de deux fanatismes.

Aujourd’hui, tous ces souvenirs sont relégués dans les lointains de l’histoire. Maillezais pleure son abbaye, son château, son évêché, mais jouit de la sécurité de notre siècle prosaïque ; c’est un chef-lieu de canton, résidence paisible, pittoresque et peu salubre d’un juge de paix, d’un percepteur et d’un brigadier de gendarmerie.

Est-ce que c.es noms, ces souvenirs n’évoquent pas devant nous toute notre histoire en images saisissantes ? Nous entrevoyons dans le lointain des siècles nos ancêtres adorant les dieux des Druides ou ceux des Romains. Nous voyons l’Église fonder sa richesse et sa puissance sur ses bienfaits, aux temps troublés et obscurs où elle représente seule et abrite dans ses cloîtres l’étude, le travail, la paix, c’est-à-dire les traditions de l’humanité et