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treilhard

la tournure un peu gauche, l’écorce rude, la parole embarrassée ; mais il avait la volonté, l’amour du travail, la religion du devoir, une intelligence droite et vigoureuse ; en peu de temps il conquit l’attention.

Sa première affaire importante lui fut confiée par la ville de Brive. C’était un procès qui durait depuis de longues années et qui passionnait les Brivistes. Le duc de Noailles, invoquant d’anciens actes qui remontaient au xive siècle, prétendait être seigneur suzerain de la ville, et, à ce titre, il revendiquait la propriété des remparts et des fossés, ou plutôt de l’emplacement sur lequel ils avaient existé jadis ; il voulait interdire aux Consuls de porter le titre de barons de la ville de Brive, et il exigeait que, revêtus de leur robe consulaire, ils vinssent lui présenter les clefs et lui rendre hommage à genoux. Il paraît que cela se faisait encore alors, et que les seigneurs de Turenne et de Malemort, dont les Noailles étaient les représentants, rendaient eux-mêmes pour quelques-uns de leurs fiefs hommage à genoux à l’évêque de Limoges. J’ai tort de dire que c’était le duc de Noailles qui avait ces prétentions. Grand seigneur, maréchal de France, diplomate, écrivain fin et délicat, le duc passait sa vie à Versailles, aux armées du roi ou dans les cours étrangères, et il se souciait sans doute aussi peu de l’hommage des Consuls de Brive que de la propriété