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le charme de l’histoire

de respect et de sympathie. Il n’avait pu assister à la séance ; il n’avait pas entendu mon rapport et il m’avait prié de lui communiquer mes notes. En me les renvoyant, il m’écrivit : « Merci, cher collègue, gardez précieusement ce rapport fort bien fait et très curieux. Un jour ce document aura peut-être la valeur d’un document historique. Tout à vous, Léon Cornudet. — Vous devriez le donner aux sténographes du Conseil pour qu’ils le reproduisent exactement. »

Je ne puis me rappeler si j’ai suivi ce dernier avis. En tout cas, le procès-verbal des sténographes a été brûlé lors de l’incendie du Palais d’Orsay par la Commune, en 1871. Mais il me paraît probable que je n’ai pas pris alors la peine de mettre au net mon brouillon informe. À cette époque, je n’avais ni le goût, ni le temps de me recopier moi-même. Je n’étais pas encore arrivé à l’âge où l’on tient à garder la trace de son travail. Tant qu’on a devant soi l’avenir, qu’importe ce qui est passé !

Aujourd’hui l’avenir n’existe plus pour moi ; c’est le passé qui m’intéresse et qui m’attire. J’aime à me reporter à ce que j’ai fait, à le revoir, à le juger, et même, maintenant que je ne puis plus agir, à l’écrire, dussè-je être le seul qui le lise jamais. Je me figure revivre ce temps si éloigné, le bon temps, puisque c’était celui où j’avais la force et la jeunesse. Comme je comprends aujourd’hui que les