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le charme de l’histoire

gaucherie d’un thème et non la libre allure d’une version ; il défigure ce qu’il prétend faire connaître ; il gâte ce qu’il voudrait faire aimer. Le traducteur du Livre de la Pousta, M. Guillaume Vautier, est Français ; sa plume est fort élégante ; son style a la vigueur et la grâce que pourrait avoir une œuvre originale née dans l’imagination même de celui qui l’a conçue. M. de Justh, qui est un cosmopolite, aurait pu, sans nul doute, écrire lui-même son livre dans notre langue ; il n’aurait pu réussir plus complètement que l’a fait son interprète, et d’ailleurs, ses récits où respire l’âme magyare auraient trop perdu à ne pas être écrits d’abord en hongrois.

Le Livre de la Pousta se compose d’une série de petits tableaux peints d’après nature, de scènes courtes et caractéristiques que l’auteur a observées autour de lui dans l’Alfoeld.

L’Alfoeld, le pays bas de la Hongrie, est l’immense région qui s’étend entre le Danube, la Tisza et les Carpathes. Là, à côté de terres fertiles, s’étendent de vastes espaces où le sol, à peine émergé au-dessus des eaux, est encore imprégné de sel ; des pâturages vagues et sans fin sont parsemés de marais, d’étangs indécis dont l’étendue varie avec le caprice des pluies, et dont l’eau saumâtre est saturée de carbonate de soude. C’est la Pousta (le désert), plaine solitaire et silencieuse, où aucune