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le charme de l’histoire

résolu d’une manière toute différente dans les deux pays. En Espagne, depuis 700 ans, les Chrétiens luttant contre les laures, combattaient, mouraient ou tuaient pour leur foi ; l’unité religieuse était la base de l’unité politique ; elle était la condition de la sécurité des personnes ; elle s’identifiait avec l’existence même de la patrie ; aussi l’Espagne prétendait-elle la maintenir à tout prix, contre les dissidents comme contre les infidèles. En Flandre, les mœurs étaient plus douces et les croyances moins passionnées ; la diversité des cultes n’y mettait pas en danger l’unité sociale. Le bas peuple seul, d’ailleurs, à cette époque, avait embrassé la Réforme ; c’était une question de petites gens, et les grands, par indifférence et par politique, le clergé par indulgence et par bonhomie, les bourgeois par esprit d’indépendance et aussi par crainte que la persécution ne nuisît aux relations commerciales qui faisaient leur fortune, tous étaient d’accord pour réclamer la tolérance. Déjà, pendant les dernières années de Charles-Quint, de sourds dissentiments s’étaient élevés à ce sujet entre la couronne et le pays. Mais, comme le dit M. Wiese­ner, « si la loi édictée par l’empereur était atroce, la répression, tant qu’elle restait confiée aux Flamands, était débonnaire ». Philippe ne l’entendait pas ainsi. Peut-être ne songeait-il pas à introduire en Flandre, comme le craignaient le Flamands,