Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
granvelle aux pays-bas

l’histoire, accueillant les griefs de ses adversaires, répéta, comme les contemporains, qu’il usait d’arti­fices envers les Flamands ; qu’il poussait jusqu’à la cruauté son aversion pour les Huguenots ; que son fanatisme voulait des supplices ; qu’à la fin, effrayé lui-même de son impopularité et craignant pour sa vie, il s’enfuit de Bruxelles et alla chercher à Besançon un refuge contre les poignards dont il se croyait menacé.

La correspondance du Cardinal et celle de Phi­lippe nous montrent Granvelle sous un jour tout différent. Modéré par caractère ; tolérant, parce qu’il avait l’esprit étendu ; sachant pardonner à ses adversaires de jouer le rôle que leur imposait leur situation ; impartial dans les Flandres, parce qu’il n’était ni Flamand, ni Espagnol, ce qui, d’ailleurs, le rendait suspect aux Espagnols aussi bien qu’aux Flamands ; n’ayant d’autre but que de maintenir intacte l’autorité de son maître, Granvelle voyait clairement que les mesures de rigueur compromettaient cette autorité. Il s’attachait à calmer de part et <l’autre des passions qu’il ne partageait pas ; il cherchait à adoucir le roi, à le ramener à un sentiment plus juste des nécessités du gouvernement et des devoirs d’un chef d’Etat. Quand Philippe lui signalait de Madrid, sur le rapport de ses inquisiteurs d’Espagne, tel ou tel hérétique à poursuivre dans telle ou telle ville de Flandre, il répondait avec