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lettres de dubuisson

privilège de juger tel procès, comme c’en était un de n’être jugé que par telle juridiction ; c’était un privilège de recevoir tel serment, un privilège de prêter serment devant telle autorité ; et, ce qui est la caractéristique de cette époque, chacun, en cherchant à maintenir ou à étendre son privilège, oubliait la mission sociale en vue de laquelle le privilège avait été primitivement créé. Les fonctions publiques n’étaient plus conférées dans l’intérêt du public, mais dans l’intérêt de celui qui les obtenait et qui, les ayant reçues par faveur ou les ayant achetées, n’y voyait qu’un bénéfice et s’attachait moins à en remplir les charges qu’à en accroître les revenus. Les Français d’alors étaient bien les pères de ceux qui cinquante ans plus tard firent une Déclaration des droits et refusèrent d’y inscrire les devoirs. Privilèges en 1740, Droits en 1789, séparés de la notion des Devoirs qui en est le corollaire et qui seule peut les légitimer, dérivent au fond du même principe, l’égoïsme ; voilà pourquoi aux deux époques ceux qui les revendiquent nous apparaissent également âpres à les défendre, également peu soucieux de les mériter.

Nous avons reproduit quelques-unes des anecdotes que raconte Dubuisson, et exprimé l’impression que la lecture de ses lettres a fait naître dans notre esprit. Nous sommes loin de penser cependant qu’il faille juger son siècle uniquement d’après les faits