Page:Marc - La Gloire de Lamartine, 1869.djvu/13

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Et ce lac transparent, avec ses matelots,
Ses barques se mirant dans l’onde recueillie,
Et je songe aux pêcheurs luttant contre les flots,
Le soir où je sauvai Julie.

julie

Ô lac ! tu nous berças bien souvent sur tes flots.
Bien souvent, s’unissant aux soupirs de ton onde,
Nos cœurs se répondaient, ainsi que deux échos,
Loin des soucis du monde.

Et j’écoutais ta voix si tendre, Raphaël,
Et tu disais : « Le ciel est pour nous sans nuage.
Mais pourquoi ce moment n’est-il pas éternel ?
Pourquoi faut-il encor regagner le rivage ?

Aimons-nous ; aimons-nous. Ô temps ! suspends ton cours.
Laisse durer toujours l’heure qui nous rassemble ;
Et, pour que rien d’humain n’altère nos amours,
Mourons, mourons ensemble. »

Ces paroles de feu que l’amour inspira
Ont laissé dans les cœurs une trace profonde,
Et bien longtemps encor l’homme répétera,
Ô lac harmonieux, les accords de ton onde.

laurence

Grotte des aigles ! Pics neigeux ! Glaciers ! Torrents !
Où Jocelyn guidait mes pas à l’aventure !
Notre âme se mêlait à tes flots murmurants,
À tes parfums, à tes chansons, grande nature !

Nous allions, contemplant ces chefs-d’œuvre de Dieu,
Et nos voix s’unissant trouvaient des mélodies,
Pour célébrer les rocs de glace, le ciel bleu,
Et les montagnes reverdies.

Jours heureux ! Je marchais, m’appuyant sur ton bras.
Je sentais ton amour éclore dans ton âme,
Et tu me souriais ; car, tu ne savais pas
Que Laurence était une femme.