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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/185

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sabine

potent, le suprême, l’irrécusable, l’absolu. C’est elle qui constitue les nations fortes, ou les sociétés puériles. Sans l’espionnage élevé à la hauteur d’une institution, le législateur ou l’homme d’État n’exécutent rien. Elle crée les événements quand ils sont trop longs à paraître. Oui, nous disons vrai : c’est une sous-fatalité ; mais, je le répète, à la condition que les gouvernements ne se séparent pas d’elle. Supposez tant de grammes de perfidie, tant de grammes d’espionnage, mêlés à une forte dose d’arbitraire ? vous possédez alors le remède policier, la potion moderne qui, versée dans les familles désignées à l’avance par nous, chefs du pouvoir, nous livre chaque personnalité, pieds et poings liés, de la cervelle à l’estomac. Est-ce clair ?

— Vous avez raison, fit le préfet, saisi un instant par l’effet de volonté froide, tranchante que trahissaient les paroles du jeune autocrate.

— J’ajouterai qu’il nous est urgent de connaître jusqu’à la minutie les habitudes des moindres fractions de citoyens. Si nous ne les connaissons pas, comment enrayer leur volonté ? Si l’alcool bu par le peuple ne contient pas une dose suffisante capable d’alourdir ses sens, d’abrutir sa pensée, d’amollir ses élans de révolte et de l’engourdir graduellement, comment voulez-vous que la personnalité physique et morale des individus subisse le joug sans lequel un gouvernement ne parvient pas à s’asseoir définitivement sur les épaules ou sur les reins d’une nation ? En conscience, comment le voulez-vous, je