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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/212

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sabine

dit ; c’est toi qui as raison de maudire ; oui, je suis comme toi, j’exècre ce que j’ai aimé ; je ne t’ai pas donné le sceptre que tes doigts devraient tenir ; mais j’abandonnerai la peinture, mon enfant ; je tuerai le démon de l’art en mon cerveau… Ah ! tu ne me connais pas, va, poursuivit-il en riant d’un rire fou ; je suis un fier homme, et j’ai des forces inouïes à dépenser pour toi. — Je puis encore te constituer une fortune, te rendre enviée, acclamée, mettre à tes pieds les illustres. J’ai des relations, je m’en servirai. Au brocanteur mes toiles ! une seule vaudrait-elle la moindre des spéculations que je tenterai ? Car tu ne sais pas que je suis très capable de fabriquer de l’or, moi aussi. — Ah ! ah ! Sabine, de l’or, entends-tu ? — Moi aussi j’en ferai suer aux pavés ; je passerai mon temps à la Bourse. — Tu ne sais pas comme c’est facile quand on le veut, quand on s’y plonge. J’engagerai mon mince capital. — Ah ! je t’en réponds que tu seras riche et je ne te demande point deux ans ; oh ! non, pas deux ans, avant de te rapporter un lingot. — Mais tu m’aimeras, n’est-ce pas, mon ange ? — Tu me conseilleras ? tu ne me jetteras plus d’anathèmes ? — Ah ! mais, où avais-je donc la tête de me figurer que ma Sabine pouvait se contenter d’une petite existence ? Mais j’étais idiot !… Est-ce que ça se pouvait ? Est-ce que je devais attendre à aujourd’hui pour le savoir, moi ?

Il parlait avec une telle volubilité, il atteignait un tel paroxysme qu’elle s’enfuit effrayée, en jetant une exclamation sourde. Cette exclamation