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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/249

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sabine

en puissance de mari, quand elle s’efforçait d’oublier depuis trois semaines qu’elle en possédait un. Mais lorsqu’il s’était avancé vers elle, la main tendue, lui disant en affectant une caresse de la voix qui cherchait une excuse de son abandon au moment critique :

— Allons, notre mariage est à refaire, n’est-ce pas ? Nous le referons.

Elle lui avait répondu avec un sourire un peu aigu, un peu sphinxtique :

— Je ne crois pas, vous avez laissé passer le quart d’heure du diable.

Quelques femmes d’un monde où les choses de l’amour se comprennent très vite ne tardèrent pas à la culpabiliser à outrance. Aussi l’enfièvrement de Mme Raimbaut pour son tuteur tenait-il un peu de ce préjugé instinctif, qu’aimer en dehors du mariage constituait un crime qui exigeait une vaillance qu’elle se sentait fière de déployer. Avoir obligé à se courber sous son joug un homme qu’aucune autorité n’enchaînait ; l’avoir contraint à fouler aux pieds ses dieux, à embrasser une existence de boursier ; ce fait-là devait plonger dans la stupeur ceux qui n’étaient pas Raimbaut. Quoique s’enorgueillissant du spectacle de ce despote vaincu, Sabine tremblait d’un instant à l’autre d’entendre le rugissement du lion reparti vers son antre avec un lambeau de chair vive de la bête qu’il aurait cessé de convoiter. Elle, si longtemps en proie à l’ardillon de ce caractère