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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/254

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sabine

de feintes, de trucs, de coups de filets : une humanité boursicotière.

Le sang se retirait du visage de Sabine ; le nez se pinçait ; le masque accusait soudain une dureté de lignes dans lesquelles revivaient les origines de l’orientalisme juif ; la bouche, comme sous un ressort mécanique, tailladait des phrases ; on eût dit un bruit de tiroir qu’on ouvrait et qu’on refermait ; et, sous le jaillissement de la pensée, le clapement de la langue finissait par dessécher le palais devenu râpeux. À force d’avoir creusé, de s’être attardés dans le rêve, les phrases tombaient plus courtes ; il y avait de l’ombre entre les mots et cette demande de Duvicquet se formulait dans un temps de repos, à voix très basse ;

— À présent, veux-tu, dis ?

Il surgissait comme un bruissement de muscles qui imprimait une secousse à l’épaule de la jeune femme. Le détraquement des sens commençait à cette heure indue. Sans avoir jamais rien appris, elle allumait d’un regard, elle creusait la ceinture d’une caresse, elle soulevait une montée de sang dans ces endroits de l’individu où l’argile humaine, en apparence la mieux disciplinée, trahit par le remuement le relief de ses formes, la vivacité de l’aiguillon enduré, et, dans ce trajet, dans cette chaîne de frissons qui parcourt l’individu passant du chaud au froid, elle faisait entrer la lame aiguë d’une parole qui feint de se courroucer, et dont le jeu aux brisements inégaux fouettait la chair.