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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/281

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sabine

me convaincre que ma dépravation est ton œuvre, alors que je ne suis qu’une aberration dans ta vie… Ô mon amant !… mon pauvre cher amour !… reprends ton existence passée ; l’argent n’aura rien sali dans ton âme d’artiste, et ton contact de feu aura brûlé mes mauvais germes…

— Ah ! murmura-t-il, j’ai raison de le dire ; tu n’es convertie à rien, tu m’échappes, voilà le vrai… Rends-moi ma Sabine, mon ange sophiste, mon démon inspirateur…

— Rends-moi plutôt, répliqua-t-elle, rends-moi ta droiture, ta conscience un instant faussée ; tu avais raison, les dieux se vengent quand on déserte leur autel, mais il n’y a eu d’autre entraîneur que ma volonté et il me plaît de te rendre à eux. Le pire pour moi, je le sens, c’est de te voir rebrousser chemin ; c’est de te savoir bafouant ton passé ; ce n’est pas la première chose que je t’oblige à profaner, hélas ! je le sais. — Mais, mon pauvre Henri, j’ai besoin de croire que tu ne t’es pas abaissé jusqu’aux bourgeois. J’ai besoin de te retrouver ce que tu étais avant notre apostasie… Mon amour t’a perdu, mais le tien a repétri en moi une autre femme ; tu as de la fange de coulissier aux doigts… essuie-les pour me caresser.

— Ah çà, mais tu as des mots de théâtre ; dans quel pot d’idéal as-tu beurré ta tartine ? Est-ce que tu vas me la faire à l’ange ?… Brrr, j’en ai froid dans les omoplates. Laisse donc tes tirades aux femmes grasses, au moins pour ce soir.