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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/304

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sabine

Qu’importe aux amoureux où vont leurs corps de marbre, si la boue n’y reste pas ?… Qu’importe la nudité à mes membres et la honte à mon front, si je sens l’immatérielle tendresse ?… Que me feront les paroles infamantes, si les heures sonnent ma vie avec des voix d’oiseaux ?… Combien léger sera mon abaissement d’une minute dans les bras ignobles d’un satyre, si mon corps, si mes membres ne suivent que l’orientation des nobles profils de l’amour !…

L’actrice s’était redressée pour regarder curieusement l’étrange femme :

— Oh ! continuez, continuez, madame, murmura-t-elle.

Mais Mme Raimbaut venait d’être rendue à sa torture par l’interruption, et, d’un bond suprême, réitérant sa demande :

— Je vous le répète : isolée des hommes, je ne soupçonne rien des ressorts qui les asservissent. Vous, au contraire, vous savez tout cela et il faut que demain… demain, vous m’entendez ? je gagne deux cent mille francs.

— Madame, repartit Léa en détournant la tête, à vous à qui l’on a prodigué le langage de l’amour, le langage que je n’entends jamais à vous à qui nos sensations n’arrivent qu’épurées à travers la dévotion, la mysticité de vos amants, je ne saurais rappeler de sang-froid ce qui se passe entre moi et l’homme qui me dit : — Fais-moi jouir…

Mme Raimbaut se leva :

— Ainsi vous… refusez ?