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sabine

née dans un affolement suprême… que me révèles-tu là ?… quel secret as-tu saisi qui aurait pu t’empêcher d’aimer ? Non, non, tu te trompes…

On eût dit que les forces revenaient à l’enfant. Une sorte d’excitation fébrile remplaça la prostration.

— Écoute, reprit-elle, suivant toujours son idée ; lui, s’efforcera de croire que j’ai été emportée par une maladie à douze ou treize ans, en proie à ces balbutiements de chair qui me faisaient tant souhaiter toute petite de m’endormir dans ses bras… Il m’évoquera avec mes airs de petite morte, mais jamais comme une femme faite. Ne me redoute donc point ainsi qu’une rivale. Il ne te parlera de moi qu’en homme qui ne m’a pas vue grandir et qui s’imagine me tenir par la main, ou comme si je marchais entre vous deux… pendant que vous causiez, et que tu l’interrompais pour me questionner… Quand vous irez, toi et lui, dans les blancheurs de la matinée… c’est mon nom qui vous viendra à la bouche, sans amertume, et tu diras : — Pouvait-elle être autre chose ?…

Elle se souleva un peu, et poursuivit en baissant la tête :

— J’ai été votre excitation ardente, votre meilleure formule d’enfièvrement quand vous vous querelliez à cause de moi, et que je vous obligeais à convenir de votre mutuelle adoration, en vous amenant à vous parler avec des douceurs de voix infinies. J’ai été le caprice qui vous tirait sur mes pas, comme les enfants tirent leurs mères pour courir vers ce qu’ils ont convoité… et si j’ai voulu, Renée, l’homme