Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/344

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

338
sabine

par l’un ou l’autre de ces entraînements vers un but enflammé et qui ne sont, après tout, que les moyens qu’il nous a suggérés lui-même…

Une suffocation l’arrêta… Elle se souleva à demi. Renée remonta l’oreiller et voulut la tourner sur le côté :

— Non, dit-elle… ouvre la fenêtre… je ne respire pas…

Mme de Sérigny obéit… L’air glacé frappa le front de Mme Raimbaut dans l’échappée d’horizon où elle plongea avidement. Elle reporta les yeux de la traînée blanche des nuages froids, sans coloration, à la blancheur de ses draps, et, forçant à ployer le cou de Mme de Sérigny en l’attirant à portée de ses lèvres, elle murmura avec une douce solennité :

— Ne cherche pas ce qu’il y a au fond de toutes les fièvres ; ne dissèque pas les enthousiasmes, laisse déborder la vie si elle tente encore de te submerger ; est-il trompeur cet accent qui, de l’enveloppe de chaque chose, exhale le même son ou fait résonner le même appel : l’amour, le puissant amour ?…

C’était avec une sorte de terreur que Mme de Sérigny entendait sortir de cette bouche d’enfant des accents imprévus ; elle se taisait, écrasée par les dernières évolutions d’un esprit, qui lançait un pareil jet sous des traits convulsés. Cet enfièvrement qui avait surchauffé les facultés engourdies pour les amener à une maturité aussi subite exprimait un phénomène effrayant. Et les formes idolâtriques de l’affection de Renée revenaient en intensités