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sabine

plantait dans le diamètre lumineux du salon une rondeur de ventre et l’enveloppe sphérique d’un sein tendu, fouetté de tons de soufre, que lui communiquait le rapprochement miroitant d’une draperie jaune.

Ces deux toiles, aux jours où l’on envahissait l’atelier et la salle à manger chez Duvicquet, écrasaient du haut de leur pesanteur magistrale les épaules de ces échinés de la bohème, de ces ratés de l’art dont Duvicquet aimait parfois à s’entourer. À elles seules elles suffisaient pour convaincre que ceux qui vivaient à leur contact n’endureraient point facilement l’évolution de la sottise moderne. La bureaucratie n’eût pas osé s’aventurer dans ce salon qu’elles remplissaient ; gueuses et gueux de plume, traçant leur pensée sur du papier bien réglé, ne s’y seraient pas risqués. On sentait de suite, en frôlant les livres épars qui couvraient le guéridon, les partitions du casier de musique, qu’il ne ferait pas bon entamer là certains éloges du régime actuel, ou celui du grand Manitou, sous peine de recevoir l’épaisseur d’une semelle de botte au derrière. C’était à la fois comique et sérieux, cette horreur de la morgue présidentielle à chaque réunion avenue Frochot. Et toujours, si la phrase menaçait de devenir concessionnaire à l’endroit du Manitou, il suffisait de l’allée et venue du regard dans cette pièce, pour bannir comme outrageant envers les œuvres de l’esprit le nom du despote bourgeois jouant au Washington ou plutôt au César. Et