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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/67

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sabine

de vos froideurs, après la mort de Marienville, qui m’encouragea à entreprendre ce voyage du Caire, pour mettre l’énormité des distances entre vous et moi ?

— Jamais ! Et je n’ai pas cru moi-même si vite au sérieux d’une passion qui allait de ma personne à une autre. Pas plus que je ne compris votre refus de revenir près de nous deux à Londres, quand je vous assurai que Sabine, qui allait naître trois mois après votre abandon, était bien réellement votre fille…

Ici, Mme de Sérigny s’arrêta un instant, puis poursuivit non sans effort :

— Ces lettres ironiques où vous m’écriviez que je m’entendais avec Arroukba pour vous abuser, me rivèrent d’autant plus à celle que vous abandonniez. Je la regardai comme une sœur dont l’intelligence ne devait jamais progresser, mais dont le cœur vivait. La maternité éveilla des choses inouïes en elle. J’ai toujours eu besoin de protéger ; il me faut des êtres plus faibles que moi, qui appellent une dilatation de mes forces trop riches. C’est ainsi que l’enfant d’Arroukba devint mon enfant d’adoption, et je vous défie absolument de l’avoir choyée plus que je ne l’ai fait pendant son séjour de six ans à Sérigny.

Le peintre se détourna ; une expression étrange raviva une minute son regard.

— Ah ! reprit-il bouleversé, et à voix basse, l’ai-je assez aimée, cette malheureuse, morte de ses excès !