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sabine

une leçon que vous me donniez ? — Quelle époque ! poursuivit le peintre, agité d’une volubilité extraordinaire. Deux femmes se partageaient mes sens : l’une répond par une conduite infâme à mon dévouement ; l’autre se dévoue pour moi sans m’accorder…

— Ce qu’elle vous accorda pourtant un peu plus tard — dit très bas et très lentement Renée de Sérigny — lorsqu’elle ne vit enfin personne occuper vos appétits et qu’elle sut la valeur de ses actes.

— Trois ans après la mort d’Arroukba, reprit Duvicquet, je vous rejoignais là-bas, en Berry. Vous étiez seule, toute seule, et veuve, menant l’existence retirée d’une grande dame dans ses terres. Là, vous m’avez fraternellement tendu les bras. Et quelle ivresse quand je vous ai serrée enfin à mon aise dans les miens ! que je me suis assuré que nul ne vivait à vos côtés ! J’étais las de souffrir, de n’être que célèbre. Je vous racontai mes tristesses sans trêve ; vous me répondîtes énigmatiquement : — Restez, qui sait ce qui arrivera ? — Cela, sans prononcer le nom de Sabine. Le lendemain de mon arrivée, je passe sous votre fenêtre, un pot de fleurs me tombe sur la tête ; je lève les yeux, et qu’est-ce que je vois ? une enfant de trois ans qui riait de sa malice et se croyait bien cachée derrière un rideau. Grimper et la prendre dans votre lit où elle accomplissait cinquante culbutes, ne fut pas long. Et comme je vous l’ai disputée alors ! Comme je me suis plu à vous entendre jurer cent fois qu’elle était