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sabine

tant cette jeune fille, qui eût été de force à berner, avec sa verve, son éclat, son mouvement, sa plaisanterie, ceux qui auraient tenté de lui faire obstacle. Elle finit par le pousser contre le divan, le fit tomber de force, et quand elle lui eut allongé les jambes comme elle l’entendait, s’assit commodément sur ses genoux.

— À présent, causons, commença-t-elle sans s’émouvoir autrement. Répondez-moi franchement. Pensez-vous qu’il m’aimera ?

— Qui ça ?

— M. Raimbaut.

— Et pourquoi diable veux-tu qu’il ne t’aime pas ?

— Tiens, je l’épouserai bien sans l’aimer, moi !

Le peintre laissa échapper un mouvement indéfinissable.

— On vient de te montrer son portrait. Sois franche. Il ne te déplaît pas ?

— J’aimerais mieux qu’il me déplût absolument : j’aurais à revenir de plus loin pour vivre près de lui, et la secousse serait si radicale chez moi, que je pourrais me répéter : Il est repoussable par tel côté, haïssable par tel autre, supportable par celui-ci, et jamais il ne faudra l’aborder par celui-là. Mais cette physionomie d’Anglais philosophe, où rien n’est percé, me donne à songer : — Sera-ce un silencieux qui écoutera sans voir ? ou un monsieur qui posera son chapeau sur sa cuisse et le regardera avec douceur tout le temps ?

— Ma chère, Napoléon, pour passer à la postérité, a emprunté le socle de millions de pendules sous la