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JEAN-FRANÇOIS MILLET.

plation mélancolique, le même sentiment de l’inévitable, nuance, chez Chateaubriand, d’une sorte d’épicurisme fataliste qui se complait a moduler le vanitas vanitatum. Nonobstant leurs différences profondes d’origine et d’éducation, les deux hommes prennent rang, a cinquante ans de distance, dans ce chœur de désabusés illustres dont la plainte restera l’écho le plus sonore et le plus prolongé du xixe siècle.

À ce vaste lamento, Millet a apporté une note originale et pénétrante. L’absence, dans son œuvre, de grossissement factice, de mise en scène déclamatoire, son parti pris d’éviter toute incrimination sociale, toute revendication violente, voila le secret de la confiance qu'il inspire et de l’émotion qu’il provoque.

Et ce qui fait la vérité de ces représentations, leur donne en même temps leur grandeur, entendons par là cette empreinte philosophique, ce sentiment de l’universel qui, chez Millet, se dégage toujours des particularités locales du costume et de la région.

On retrouve à chaque instant, dans ses conversations, ce penchant à rattacher le présent au passé, à élever le particulier au général, à rechercher, sous le fait momentané, l’antiquité vénérable de l’histoire. À Gruchy, devant une vieille femme occupée a puiser de l’eau a la fontaine, « Regardez comme elle est belle, disait-il, elle a l'air de porter l’eau sacrée ; et ce n’est que pour son ménage. » Et une autre fois : « Tenez, regardez la-bas, sur la hauteur, cette fumée qui monte au ciel, comme le sacrifice