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JEAN-FRANÇOIS MILLET. 10

Il n'en poursuivait pas moins avec assiduité I’étude du modèle vivant et de l’antique, compulsant le soir, à la bibliothèque Sainte-Geneviève, les ouvrages ou quelques grands artistes avaicnt formulé leur conception du beau. C’est en 1840 qn’il affronta pour la première fois le Salon, avec deux portraits, ceux de Marolle et d’un parent. Le dernier fut seul admis, et passa inaperçu de la critique, comme du public.

An cours d’un voyage qu’il fit, l’année suivante à Cherbourg, le conseil municipal, qui surveillait avec quelque inquiétude cette carrière lente et, à son sens, improductive, chercha à en avoir le cœur net, en lui commandant, moyennant 300 francs, un portrait du maire récemment décédé, M. Javain, pour la salle de ses séances. Millet, qui n’avait jamais vu le défunt, réduit à travailler sur une miniature peu ressemblante de M. Javain jeune homme, fit naturellement un ouvrage de chic. Le crédit fut rejeté à l’unanimité, le portrait présentant « un caractère de dureté entièrement opposé à la physionomie qui caractérisait cet honorable magistrat » et M. Millet ayant déclaré « qu’il avait cru devoir chercher à faire un beau portrait, plutôt qu’un portrait ressemblant ». Sur les réclamations de l’artiste, on lui jeta une aumône de 100 francs, qu’il refusa, en avisant la municipalité qu’il lui faisait cadeau du tableau ; les choses, dès lors, changeaient de face et l’œuvre fut accrochée, séance tenante, au panneau qui l’attendait. Mais l’incident laissa des traces, et beaucoup de bonnes volontés se détournèrent, pour un temps, de