Aller au contenu

Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CONTRE L’OBSCURITÉ

« Êtes-vous de la jeune école ? » demande à tout étudiant de vingt ans qui fait de la littérature tout monsieur de cinquante qui n’en fait pas. « Moi, j’avoue que je ne comprends pas, il faut être initié… D’ailleurs, il n’y a jamais eu plus de talent ; aujourd’hui presque tout le monde a du talent. »

En essayant de dégager de la littérature contemporaine quelques vérités esthétiques que je suis d’autant plus certain d’apercevoir qu’elle les signale elle-même, en les niant, je vais m’exposer à l’accusation d’avoir voulu jouer avant l’âge le rôle du monsieur de cinquante ans : je ne tiendrai pourtant pas son langage. Je crois en effet que, comme tous les mystères, la Poésie n’a jamais pu être entièrement pénétrée sans initiation et même sans élection. Quant au talent qui n’a jamais été très commun, il semble qu’il y en eut rarement moins qu’aujourd’hui. Certes si le talent consiste dans une certaine rhétorique ambiante qui apprend à faire des « vers libres » comme une autre apprenait à faire des « vers latins », dont les « princesses »,