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Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/214

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CHRONIQUES

variété des verbes. Je prends absolument au hasard et en abrégeant beaucoup : « Les hyènes marchaient derrière lui, le taureau balançait la tête, tandis que la panthère bombant son dos avançait à pas de velours, etc. Le serpent sifflait, les bêtes puantes bavaient, le sanglier, etc. Pour l’attaque du sanglier il y avait quarante griffons, etc. Des mâtins de Barbarie… étaient destinés à poursuivre les aurochs. La robe noire des épagneuls luisait comme du satin, le jappement des talbots valait celui des bugles chanteurs », etc. Et cette variété des verbes gagne les hommes qui dans cette vision continue, homogène, ne sont pas plus que les choses, mais pas moins : « une illusion à décrire ». Ainsi : « il aurait voulu courir dans le désert après les autruches, être caché dans les bambous à l’affût des léopards, traverser des forêts pleines de rhinocéros, atteindre au sommet des monts pour viser les aigles et sur les glaçons de la mer combattre les ours blancs. Il se voyait, etc… » Cet éternel imparfait (on me permettra bien de qualifier d’éternel un passé indéfini, alors que les trois quarts du temps, chez les journalistes, éternel désigne non pas, et avec raison, un amour, mais un foulard ou un parapluie. Avec son éternel foulard, — bien heureux si ce n’est pas avec son foulard légendaire — est une expression « consacrée ») ; donc cet éternel imparfait, composé en partie des paroles des personnages que Flaubert rapporte habituellement en style indirect pour qu’elles se confondent avec le reste (« L’État devait s’emparer de la Bourse. Bien d’autres mesures étaient bonnes encore. Il fallait d’abord passer le niveau sur la tête des riches. Tout était tranquille maintenant. Il fallait que les nourrices et les accoucheuses fussent salariées par l’État. Dix