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Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/26

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CHRONIQUES

La princesse se brouilla avec Taine, avec Sainte-Beuve. Il est un autre académicien qui, à la fin de sa vie, se réconcilia avec elle.

Je veux parler du duc d’Aumale.

Admirablement traitée par la famille royale en 1841, quand elle revint en France, elle n’avait jamais oublié ce qu’elle lui devait, et ne permit jamais, en aucun temps, qu’on dît devant elle quoi que ce fût qui pût être blessant pour les Orléans.

Mais le gouvernement de l’Empire n’agit pas de même : les biens des princes furent confisqués, malgré une démarche de la princesse Mathilde et de la duchesse d’Hamilton. Plus tard, à la suite d’un discours prononcé par le prince Napoléon, on se souvient de la lettre effroyable, admirable, que lui écrivit le duc d’Aumale.

Il semblait, après cela, que la princesse ne dût jamais revoir le duc d’Aumale. Ils vécurent, en effet, loin l’un de l’autre pendant de longues années. Puis, le temps effaça le ressentiment sans diminuer la reconnaissance et aussi comme une certaine admiration réciproque qu’éprouvaient l’une pour l’autre ces deux natures si semblables, les deux princes hors cadres, qui n’étaient pas les premiers que par leur naissance, qui n’étaient ni lui très orléaniste, ni elle très bonapartiste, et avaient les mêmes amis, les grands « intellectuels » d’alors.

Pendant quelques années, ceux-ci répétèrent de l’un à l’autre les propos obligeants que le prince tenait sur la princesse, et elle sur lui. Puis enfin, un jour, ménagée par Alexandre Dumas fils, l’entrevue eut lieu dans l’atelier de Bonnat.

Il y avait plus de quarante ans qu’ils ne s’étaient vus. Ils étaient alors beaux et jeunes. Ils étaient