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Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/67

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LA COMTESSE DE GUERNE

Il est assez singulier qu’une des deux ou trois grandes figures musicales devant lesquelles les véritables artistes s’inclinent entièrement appartienne précisément à ce qu’on serait tenté d’appeler, si l’on avait plus égard au hasard de la naissance qu’à la réalité du talent : « le monde des amateurs ». Certes, il y a longtemps que la comtesse de Guerne a reçu ses lettres de plus grande naturalisation artistique ; et pour personne, pas plus pour les artistes que pour les gens du monde, elle n’est à aucun degré un amateur, mais une des deux ou trois plus grandes chanteuses vivantes. Mais, chose assez curieuse, au premier abord, et au fond assez naturelle, les artistes s’en rendent peut-être mieux compte que les gens du monde.

Sans doute les gens du monde connaissent l’admirable talent qu’ont rehaussé tous les décors de l’élégance et invoqué tous les appels de la charité. Mais ce qu’il a de plus raffiné, d’à peu près unique, leur échappe bien souvent et n’est guère sensible qu’aux artistes. J’ai eu occasion d’entendre dernièrement Mme de