Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/111

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sur ce point parce que depuis quelques années ils me paraissent animés d’une émulation remarquable à l’égard de notre esprit pratique américain. Quelques perfectionnements ne leur seront néanmoins pas inutiles. Ainsi ils ont essayé de persuader à leurs compatriotes que le linge en papier venait de chez nous. Ceci est une simple absurdité. Si nos faux-cols étaient confectionnés avec des feuilles de carnets, les reporters seraient à peine présentables dans les salons de New-York. J’ai été peiné de cet abus de crédulité publique.

Mais sur d’autres points, l’Exposition m’a paru donner des preuves frappantes de progrès très importants. Le Dôme central, les pavillons des porcelaines, la galerie des machines et la Tour Eiffel sont de bons essais de Humbug. Les fontaines lumineuses sont une excellente mystification. Les parterres en lampes électriques ont été imaginés par un humouriste remarquable. Vos arbustes avec des oranges Edison ne manquent pas de gaieté. La rue du Caire est une bonne charge. La farce d’enfermer les visiteurs de la Tour Eiffel dans une boîte à double fond, sous prétexte de les aider à monter, serait tout à fait digne d’Artemus Ward. L’idée de faire lire le Petit Journal en public par un cheikh arabe, d’habiller les Canaques avec des blouses et les grisettes avec des casques d’or hollandais n’est pas plus mauvaise que celle de faire broder des mocassins par des Irlandais sur les rives du Niagara.

Croyez que nous prendrons bonne note de tout cela. J’ai cru que les rampes de la Tour Eiffel étaient en bois et j’ai voulu me mettre à les déchiqueter avec mon couteau, en manière de distraction : elles sont en tôle. Persuadés que le remplissage des piliers