Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/168

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l’année 1773 ou 1774, je ne saurais dire au juste, je suivis ses leçons. Ensuite je lui servis de secrétaire et ces fonctions m’introduisirent naturellement auprès de lui dans une intimité plus rapprochée qu’aucun autre des étudiants, si bien que, sans aucune requête de ma part, il m’accorda un privilège général de libre accès à son amphithéâtre. En 1780, j’entrai dans les ordres et cessai tout rapport avec l’Université. Je continuai toutefois à résider à Kœnigsberg, mais entièrement oublié, ou du moins entièrement inaperçu par Kant. Dix ans plus tard, en 1790, je le rencontrai par hasard à une joyeuse fête. C’étaient les noces d’un professeur de Kœnigsberg. À table, Kant distribua sa conversation et ses attentions en général parmi les convives, mais, après qu’on se fut levé et que la compagnie se fut dispersée en groupes séparés, il vint s’établir fort obligeamment près de moi. À ce moment, j’étudiais les fleurs, en amateur, veux-je dire, et pour la passion que j’avais pour elles. Sitôt qu’il l’eût appris, il me parla de mon occupation favorite et avec une compétence très étendue. Dans le cours de notre conversation, je fus surpris de découvrir qu’il était parfaitement informé de toutes les circonstances de ma situation. Il me rappela notre ancienne liaison, m’exprima sa satisfaction de me trouver heureux et fut assez bon pour me prier, si mes engagements me le permettaient, de venir de temps en temps dîner avec lui. Bientôt après il se leva pour prendre congé ; et comme nos routes se trouvaient dans la même direction, il me proposa de l’accompagner jusque chez lui. C’est ce que je fis ; et alors je reçus une invitation pour la semaine suivante, avec une invitation générale pour toutes