Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Zola. Dans ses contes, Marcel Schwob traduit ses rêves, le désir douloureux de s’aliéner soi-même, d’être le soldat, le pauvre, le marchand, la femme qu’il voit passer. Il est servi par une érudition profonde qui va de l’antiquité au folklore, des traditions judaïques au jargon des voleurs. Et Marcel Schwob, avec Anatole France, est capable de tirer un conte d’une lettre de rémission ou du texte d’une vieille chronique. Mais dans un temps où règnent l’art composite d’un Garnier et le canon des Parnassiens, Marcel Schwob ouvre la porte des rêves. Il s’est affranchi de Flaubert et s’est rapproché de l’art d’Un Gustave Moreau. Il semble quelque magicien.

Cœur double, ce sont les lectures dramatisées de Marcel Schwob qui ouvre le cycle de la pègre, conte ses souvenirs de régiment, ses impressions du pays breton. Mais Marcel Schwob demeure encore un vieil étudiant de philosophie ; et il ouvre son livre de contes par des déclarations qui définissent le double cœur de l’homme, le chemin qui le mène à la pitié. Il croit à la purgation des passions suivant Aristote. Mais il ne croit plus aux descriptions pseudo-scientifiques, à la psychologie de manuel, aux éléments de biologie mal digérés. Il rêve d’un art qui devra être net et clair, où la composition sera sévère. Il annonce le roman futur qui sera, selon lui, un roman d’aventures dans le sens le plus large du mot, un roman d’aventures spirituelles. C’est le projet qu’ont réalisé ceux qui sont venus après lui. Car son génie est mathématique, comme celui d’Edgar Poe. Il y a chez Marcel Schwob un clerc logicien qui veut nous faire parcourir la série des terreurs de l’homme. Et dans Cœur double, il projette son propre cœur.